AprĂšsle succĂšs de La troisiĂšme rĂ©volution industrielle (plus de 40 000 exemplaires vendus), Jeremy Rifkin prĂ©sente ici ce que sera la sociĂ©tĂ© collaborative de demain. Le prospectiviste de gĂ©nie y dessine un nouveau paradigme favorisĂ© par lâessor des nouvelles technologies : les communaux collaboratifs.
Selonlâhistorien, le monde de demain, façonnĂ©e par les dĂ©cisions prises actuellement pour contrer la propagation du coronavirus, sera sous le pouvoir de lâun des deux systĂšmes : celui de la surveillance totalitaire (en prenant comme exemple la Chine), ou celui de la prise du pouvoir (Empowerment) des citoyens (les modĂšles sud-corĂ©en et singapourien). Une
Lemonde d'aprÚs-demain. Il est temps de rompre avec l'individualisme néolibéral et de réhabiliter la solidarité comme la fraternité. En cette période de confinement, résistons
ïž LE LIVRE PRĂMONITOIRE D'ALEXANDRE ADLER DE 2009 PRĂSENTAIT LES ANTICIPATIONS DE LA CIA SUR UNE PANDĂMIE MORTELLE DE CORONAVIRUS AVANT 2025 Le journaliste Alexandre Adler a publiĂ©, le 5 fĂ©vrier 2009, un livre intitulĂ© "Le Nouveau Rapport de la CIA, Comment sera le monde en 2025 ?". Voici la prĂ©sentation qu'il en faisait au moment de la
LaprĂ©diction en question vient du livre Le nouveau rapport de la CIA â Comment sera le monde demain?, paru en 2008. Voici l'extrait
Vay Tiá»n Nhanh Chá» Cáș§n Cmnd. Imaginer le monde de 2050 est un exercice plus difficile car câest encore loin. Pourtant, en 2020, les jeunes ont rĂ©ussi Ă exprimer leurs idĂ©es pour une sociĂ©tĂ© totalement repensĂ©e oĂč la technologie se mĂȘle Ă une Ă©conomie plus traditionnelle. Des dĂ©fis de taille En 2050, lâhumanitĂ© devra faire face Ă un dĂ©fi majeur vivre sur une planĂšte trĂšs peuplĂ©e. En effet, lâONU estime que nous pourrions ĂȘtre 9,8 milliards dâhabitants sur Terre dans moins de 30 ans. Pour faire face Ă cette augmentation croissante de la population, il faudra apprendre Ă cohabiter ; Ă©viter que les inĂ©galitĂ©s ne sâaccentuent ; se partager les ressources ; sâadapter aux impacts du changement climatique sĂ©cheresses, fonte des glaces, inondations⊠; faire face Ă de nouveaux enjeux sanitaires. Les jeunes interrogĂ©s sont conscients que les impacts nĂ©gatifs de lâĂȘtre humain sur lâenvironnement prendront du temps Ă sâeffacer. Câest pourquoi ils veulent un changement de comportements immĂ©diat. Vers une Ă©conomie plus durable Une adaptation de nos modes de vie et de consommation est une des solutions imaginĂ©es pour faire face aux dĂ©fis de 2050. Il faudra repenser lâĂ©conomie pour la rendre plus durable, en privilĂ©giant lâĂ©conomie de proximitĂ© ; le retour au troc et aux Ă©changes ; les circuits courts ; la relocalisation de certaines productions ; le travail social et utile aux autres. Lire la transcription dĂ©taillĂ©e de lâinfographie Une Ă©conomie plus durable, une mondialisation plus raisonnĂ©e » Toutes ces solutions envisagent de replacer lâhumain au cĆur des Ă©changes et de lâĂ©conomie. Un retour de la nature en ville Les jeunes se sont aussi questionnĂ©s sur lâhabitat et ont imaginĂ© comment sera la vie en ville en 2050. Selon eux, des espaces naturels devront ĂȘtre prĂ©servĂ©s et protĂ©gĂ©s afin de laisser les espĂšces animales et vĂ©gĂ©tales les repeupler maintien de la biodiversitĂ©. Mais comment loger tout le monde si lâon nâĂ©tend pas les villes sur les campagnes ? GrĂące Ă des villes Ă la verticale ! Les villes du futur seront densifiĂ©es et construites Ă la verticale. La nature y sera complĂštement intĂ©grĂ©e avec des bĂątiments vĂ©gĂ©talisĂ©s et des plantations sur les toits. La vĂ©gĂ©talisation de la ville rĂ©pond aussi Ă une autre question comment nourrir ses habitants ? Avec lâagriculture urbaine, lâaquaponie ou encore les cultures hors sols, les citadins pourront produire leurs propres aliments. Lâalimentation sera moins industrielle, plus naturelle et produite localement. Selon les jeunes, dâautres formes dâalimentation seraient possibles diminution de la consommation de viande ; une plus grande consommation de lĂ©gumes ; des nouvelles sortes dâaliments farine dâinsectes⊠Lire la transcription dĂ©taillĂ©e de lâinfographie Urbanisation et retour Ă la nature » Des avancĂ©es technologiques au service du social MĂȘme si les jeunes envisagent un retour Ă lâagriculture traditionnelle, ils ne laissent pas de cĂŽtĂ© lâutilitĂ© des nouvelles technologies et imaginent un monde encore plus dĂ©pendant de ces outils. La robotisation permettrait dâaccomplir de grandes choses, notamment dans le domaine mĂ©dical. Au niveau Ă©ducatif, les nouvelles technologies permettront une transformation des mĂ©thodes dâapprentissage plus de pratique et moins de thĂ©orie ; des salles de classes plus connectĂ©es ; un apprentissage plus personnalisĂ©. Pour les transports, les idĂ©es sont encore plus futuristes de plus en plus de transports hybrides ; des transports plus rapides et qui consommeront moins dâĂ©nergie ; moins dâavions en circulation dans le ciel ; moins de voitures en ville pour laisser plus dâespace aux vĂ©los. Lire la transcription dĂ©taillĂ©e de lâinfographie Des avancĂ©es technologiques au service dâune sociĂ©tĂ© plus sobre » Un futur qui donne du sens Toutes les idĂ©es proposĂ©es ont un point commun redonner du sens Ă nos sociĂ©tĂ©s et Ă nos Ă©changes. Cela passe aussi par une meilleure connaissance du vivant apprendre Ă Ă©couter la nature afin dâĂ©veiller les consciences ; des autres se rattacher Ă une communautĂ© et partager ensemble ; de soi par un dĂ©veloppement personnel et spirituel plus important. Le lien entre le social et lâenvironnement doit ĂȘtre trĂšs fort afin de respecter la planĂšte et ses habitants. DĂ©couvrir lâinfographie reprenant toutes les idĂ©es des jeunes
Debats-opinions > Lettre Ă mes enfants âVous allez vivre dans un futur vertigineuxâ CHRONIQUE. Par Laurent Alexandre, fondateur de Doctissimo et DNAVision. Comment se forger des valeurs dans un monde en pleine mutation ? Quelle formation faut-il choisir ? Que faire de sa vie ? Dans cette lettre Ă ses enfants, notre chroniqueur Laurent Alexandre livre quelques pistes de rĂ©flexion. Ă 55 ans, je suis un vieux con. Jâai donc peu de lĂ©gitimitĂ© pour vous donner des conseils. Le futur dans lequel vous allez Ă©voluer est diffĂ©rent du monde qui mâa formatĂ©. Vous ne le rĂ©alisez pas mais je suis nĂ© cinq ans avant lâĂ©noncĂ© par Gordon Moore de sa loi. Je viens du monde dâavant les NBIC. Je suis un homme du passĂ©. Vous allez vivre dans un futur vertigineux. Au XXIe siĂšcle, les scientifiques vont euthanasier la mort, crĂ©er la vie artificielle, manipuler les cerveaux, augmenter nos capacitĂ©s, dĂ©velopper une intelligence artificielle. Beaucoup des repĂšres de ma gĂ©nĂ©ration vont se dissoudre dans la rĂ©volution technologique. DĂšs lors, comment se forger des valeurs ? Quelle formation faut-il choisir ? Que faire de votre vie ? âPisser du code nâest pas un mĂ©tier dâavenirâ Sur le plan scolaire, nâoubliez jamais les humanitĂ©s. Aucun technicien ne rĂ©sistera Ă la croissance exponentielle des automates et de lâintelligence artificielle. Apprendre Ă coder nâest pas inutile, mais nâoubliez pas que bientĂŽt le code sera Ă©crit par des algorithmes pisser du code informatique nâest pas un mĂ©tier dâavenir. Il faut apprendre Ă dĂ©coder le monde plus quâĂ coder des programmes informatiques. Vous ĂȘtes dĂ©jĂ des encyclopĂ©dies technologiques, tentez de devenir des âhonnĂȘtes hommesâ. Nous ne savons pas encore les tĂąches qui ne seront pas automatisables soyez flexibles, transversaux et opportunistes. Ne soyez pas les victimes dâune Ă©cole qui forme aujourdâhui aux mĂ©tiers dâhier. Ne devenez pas chirurgiens, lâacte chirurgical sera Ă 100 % robotisĂ© quand vous aurez fini vos Ă©tudes de mĂ©decine ! Surtout, ne faites pas lâENA une Ă©cole dont on sort sans connaĂźtre la loi de Moore ne devrait pas exister ! NâĂ©coutez pas vos maĂźtres, ils connaissent bien moins le futur que vous. âVotre gĂ©nĂ©ration va dessiner les contours de cet homme Le monde qui vient sera Ă©minemment politique que fait-on du pouvoir dĂ©miurgique dont nous allons disposer sur notre nature biologique ? Il faut faire le pont entre les NBIC et lâhistoire, la culture, la philosophie. Votre gĂ©nĂ©ration a une responsabilitĂ© historique. Vous allez prendre des dĂ©cisions qui engagent lâavenir de lâhumanitĂ©. Câest votre gĂ©nĂ©ration qui va dessiner les contours de cet homme puissant et quasi immortel, que la Silicon Valley et notamment les dirigeants de Google appellent de leurs vĆux. Soyez suffisamment forts pour ne pas vous laisser berner par les utopies mortifĂšres, fussent-elles sympathiques⊠Les transhumanistes sont en train de gagner la bataille des cĆurs il leur faudra des contre-pouvoirs. Soyez partie prenante de ce dĂ©bat fondamental lâhumanitĂ© ne doit pas se transformer sans dĂ©bat philosophique et politique. âFuyez les gourous Ă©gocentriques et suivez de belles causesâ Une barbarie technologique est possible. Non pas sous la forme de Bienvenue Ă Gattaca, mais plutĂŽt sous les traits dâun 1984 aux couleurs des NBIC. Câest pourquoi je vous conseille de refuser lâidĂ©e de gouvernement mondial. Il faut garder plusieurs ensembles gĂ©opolitiques. Imaginez un gouvernement mondial qui se servirait des NBIC pour crĂ©er une neurodictature Ă©ternelle ! Laissez encore une petite chance Ă lâEurope. Mais si le dĂ©clin de notre continent continue du fait de la mĂ©diocritĂ© et de lâincompĂ©tence technologique de nos Ă©lites politiques, partez dans la zone Asie-Pacifique sans hĂ©siter. Emportez tout de mĂȘme avec vous les recettes de cuisine que je vous aurai apprises. Rien de ce que nous faisons nâest rĂ©ellement altruiste nous agissons toujours pour avoir des bĂ©nĂ©fices secondaires psychiques. Augmenter notre production cĂ©rĂ©brale dâendorphines est notre seul moteur. Ce constat troublant ne doit pas vous conduire Ă ĂȘtre misanthropes et cyniques ce nâest pas parce quâon est altruiste par Ă©goĂŻsme neurobiologique quâil ne faut pas lâĂȘtre. Essayez de faire un peu de bien au nom dâune morale dĂ©tachĂ©e de Dieu Good without God, que vous soyez athĂ©es ou croyants faire le bien par peur de la transcendance est tellement minable ! Fuyez les gourous Ă©gocentriques et suivez de belles causes. Prenez exemple sur Bill Gates, le plus grand hĂ©ros du XXIe siĂšcle, qui a dĂ©jĂ sauvĂ© 10 millions de vies grĂące Ă ses campagnes sanitaires dans les pays pauvres. Essayez dâĂȘtre le plus libre possible en combattant vos dĂ©terminismes gĂ©nĂ©tiques et neurobiologiques. Bien sĂ»r, ne faites jamais rien en fonction de ce quâauraient fait vos parents soyez autonomes ! Câest pourquoi vous ne devez pas lire cette lettre, que je ne vous enverrai pas. Chronique extraite de We Demain n°11 Laurent Alexandre est Chirurgien-urologue et neurobiologiste, fondateur de Doctissimo, PrĂ©sident de DNAvision. dr_l_alexandre
Culture Journaliste et essayiste Ă lâĂ©coute des sociĂ©tĂ©s contemporaines, Alexandre Adler, parrain de la collection du Monde » baptisĂ©e Histoire & civilisations », porte un regard Ă©rudit sur des hĂ©ritages universels qui marquent le monde contemporain. Collection Histoire & civilisations ». DĂ©couvrir une civilisation, en saisir lâessence, la culture, les langages comme les Ă©lans, revient Ă sâaventurer sur une terra incognita dont lâhistoire serait la porte. Câest, comme le prĂŽne Alexandre Adler, dans un conscient aller-retour entre passĂ© et prĂ©sent, en opĂ©rant rapprochements, comparaisons et analyses, quâune rĂ©alitĂ© gĂ©opolitique rĂ©vĂšle ses racines affleurantes ou profondes, tinte de rĂ©sonances immĂ©diates ou lointaines. En Ă©tudiant les rapports entre civilisations, en mesurant impĂ©rialismes et assimilations, en dĂ©voilant des faits leur part dâinconnue, Ă la lumiĂšre des derniĂšres recherches et dĂ©couvertes, les mĂ©moires dialoguent et sâĂ©clairent. SpĂ©cialiste des relations internationales, Alexandre Adler explore les influences dâune culture sur une autre et sâempare du temps long qui habite lâhistoire pour mieux lâinterroger. La perception que nous avons dâune civilisation Ă©volue-t-elle Ă mesure que lâhistoire sâĂ©crit ? Chez les historiens, la question a fait lâobjet de nombreux dĂ©bats Ă partir du moment oĂč ils ont dĂ©couvert la pluralitĂ© du monde. LâidĂ©e quâil existe des civilisations, unies par leurs traits distinctifs, nous a Ă©tĂ© transmise Ă la faveur des grandes dĂ©couvertes. Il faut probablement remonter Ă la controverse de Valladolid 1550-1551, ce moment oĂč, en pleine colonisation espagnole de lâAmĂ©rique centrale et du Sud, une majoritĂ© de clercs a pris position pour lâhumanitĂ© des Indiens, exprimant du mĂȘme coup le dĂ©sir et le projet de les Ă©vangĂ©liser. De lĂ est nĂ©e une sociĂ©tĂ© mixte mexicaine qui, dans un syncrĂ©tisme progressiste, a su marier, sous le rĂšgne de Charles Quint, la mythologie de Quetzalcoatl au culte de la Vierge de Guadalupe. Ainsi a-t-on pris conscience, Ă cette Ă©poque, de la pluralitĂ© du monde et des atouts quâoffre la fĂ©conde diversitĂ© des civilisations, des anciens empires prĂ©colombiens jusquâaux confins de la Chine. Quel distinguo faites-vous entre culture et civilisation ? Les cultures produisent et rĂ©pandent des connaissances de maniĂšre non hiĂ©rarchique. La civilisation cristallise des cultures alĂ©atoires. Lâhistorien Fernand Braudel Ă©voquait une grammaire des cultures. Pour lui, chacune est gĂ©nĂ©ratrice dâun sens commun, procurant aux hommes une parentĂ© de pensĂ©e. Si les savoirs se heurtent Ă la puissance des Ă©vĂ©nements, lâĂ©crit reste-t-il une preuve de lâhistoire », un vecteur privilĂ©giĂ© ? Ce que lâon nommait la lectio divina, cette lecture obstinĂ©e et critique est un moyen dâinvestigation sans Ă©quivalent. A force de confrontations critiques, de lectures contradictoires, de mises en regard approfondies â comme le permet la collection Histoire et civilisations » â, on peut faire rendre raison Ă nombre dâĂ©nigmes de la pĂ©riode contemporaine. Mais si, dans lâexpĂ©rience française, lâĂ©crit reste un outil privilĂ©giĂ©, dâautres sociĂ©tĂ©s usent dâautres media. Par exemple, on comprendra beaucoup mieux la vĂ©ritable rĂ©volution culturelle qui a saisi lâAllemagne Ă la fin du XVIIIe siĂšcle Ă partir des LumiĂšres allemandes AufklĂ€rung jusquâaux annĂ©es 1920 grĂące au patrimoine musical transmis par Mozart, Beethoven, Wagner et Richard Strauss qui nous offre la lecture » dâune sorte de texte continu constituant lâessentiel du message culturel de la sociĂ©tĂ© allemande. LâoralitĂ© a-t-elle jouĂ© un rĂŽle crucial dans la connaissance de civilisations anciennes ? Spinoza considĂ©rait quâil nây a pas dâerreur dans le monde mais des genres de connaissance. La tradition orale en serait lâun des premiers. Les Ćuvres dâHomĂšre LâIliade et LâOdyssĂ©e, tout comme les Upanishad de lâInde, forment dâĂ©loquents et vivants vestiges transmis oralement. Ces rĂ©cits cultivent Ă travers les Ăąges un art de la mĂ©moire complĂštement sous-estimĂ©, avant que de grands esprits telle lâhistorienne britannique Frances Yates ne nous le fasse connaĂźtre. Nous comprenons dĂšs lors le pouvoir que peut avoir lâoralitĂ© et sa mission quasi pĂ©dagogique. Car, en confrontant la parole au faux, au vrai, au vite, les sociĂ©tĂ©s traditionnelles sont capables, comme dans le processus darwinien de lâĂ©volution, de sĂ©lectionner, de corriger, pour fixer et transmettre. LâoralitĂ© joue donc le rĂŽle civilisateur dâun passeur. Certaines dĂ©couvertes ont dynamisĂ© le goĂ»t public pour lâhistoire. Portent-elles une part dâĂ©ternitĂ© qui parle Ă chacun ? Au tournant de 1870, la dĂ©couverte des tombes de MycĂšnes et des ruines de Troie par lâarchĂ©ologue allemand Heinrich Schliemann insuffle un Ă©lan dans la recherche des monuments authentiques. Puis, en 1922, la rĂ©vĂ©lation par Howard Carter du tombeau de Toutankhamon, servie par la malĂ©diction du pharaon, fait faire un bond Ă lâĂ©gyptologie de Champollion et Maspero, suscitant un engouement pour la discipline. Soudain cette tombe du jeune roi recĂšle le mystĂšre, sa rĂ©vĂ©lation et rĂ©compense lâinventivitĂ© des archĂ©ologues qui se sont fondĂ©s sur des raisonnements Ă©crits et une exploration permanente. Plus tard lâUnesco sauvera les temples dâAssouan convainquant, avec la communautĂ© internationale, Nasser malgrĂ© son nationalisme intransigeant. GrĂące Ă ce sursaut, toute une gĂ©nĂ©ration dâĂ©gyptologues arabophones va se former. Pour comprendre lâEgypte ancienne, nous disposons aujourdâhui de matĂ©riaux exceptionnels, du Livre des morts Ă la pierre de Rosette. Nous sommes en mesure de suivre une gĂ©nĂ©alogie pharaonique jusquâĂ trois mille ans avant notre Ăšre qui nous rappelle lâimportance de cette civilisation. Quant Ă la notion dâĂ©ternitĂ©, lorsque Kant sâinterrogeait sur la capacitĂ© des princes de lâAntiquitĂ© Ă insuffler toujours les mĂȘmes idĂ©es Ă travers la philosophie grecque, il se trompait ! Tous ensemble, les vestiges excavĂ©s, les noms retrouvĂ©s des grands pharaons que nous connaissions partiellement nourrissent un vĂ©ritable substrat de connaissances sans cesse augmentĂ©es, faisant que notre dĂ©sir de comprendre dĂ©passe de beaucoup les sociĂ©tĂ©s anciennes. Du patrimoine Ă©crit aux Ćuvres dâart, les sources de nos connaissances vĂ©hiculent-elles une vision occidentale du monde ? De nos jours, tous les types de patrimoine sont magnifiĂ©s par une culture de masse croissante, par notre capacitĂ© Ă reproduire et Ă diffuser les images des Ćuvres et Ă concevoir des expĂ©riences oĂč la virtualitĂ© ouvre de nouveaux champs. La volontĂ© de collecter les traces de notre histoire â des traitĂ©s de science aux piĂšces archĂ©ologiques, des descriptions de paysages aux statues emblĂ©matiques de lâAntiquitĂ© â est animĂ©e par lâenvie et le besoin de comprendre et dâembrasser nos racines. La collection des princes est lâorigine de lâidĂ©e mĂȘme du musĂ©e, elle-mĂȘme bien antĂ©rieure au fameux dĂ©cret Chaptal, au lendemain de la RĂ©volution, qui dota les provinces de musĂ©es Ă vocation universelle. Car dĂšs lâĂ©poque de la Renaissance, la dĂ©couverte dâun certain nombre de monuments romains antiques a façonnĂ© les goĂ»ts. Les papes, poussĂ©s par des Ă©rudits comme Alberti, ont constituĂ© les vastes collections dâun musĂ©e imaginaire » au Vatican â le prestige de Rome faisant de ces musĂ©es, avant la lettre, des moyens dâĂ©dification et de culture pour lâensemble de lâEurope civilisĂ©e. Des grandes familles italiennes Ă lâinstar des MĂ©dicis au Grand Tour prisĂ© des Britanniques, collections et vestiges font office de musĂ©es. Lire aussi Quand lâautre et lâailleurs font lâhistoire AprĂšs la rĂ©volution française, la reprĂ©sentation imaginaire de ce que fut une certaine grandeur de la France sâincarnera dans un projet musĂ©ologique destinĂ© au plus grand nombre. Louis-Philippe fait de Versailles un palais national. Notre-Dame devient un manifeste de lâarchitecture gothique â car lâidĂ©e que nous nous faisons aujourdâhui des cathĂ©drales mĂ©diĂ©vales est largement due Ă lâapproche nĂ©ogothique de Viollet-le-Duc. De son cĂŽtĂ©, le Louvre lui-mĂȘme participe dâun projet culturel de divulgation et dâĂ©ducation populaire. Lâinstallation des salles Ă©gyptiennes, puis grecques, en tĂ©moigne. A lâunisson, dans une rivalitĂ© europĂ©enne des capitales et des nations, Londres transforme le British Museum en Ă©crin pour des fleurons de lâarchitecture grecque, tandis que Berlin, dans lâĂźle aux MusĂ©es, prĂ©sente en majestĂ© lâautel et les frises de Pergame magnifiant violence et barbarie. A la veille de la premiĂšre guerre mondiale, lâapogĂ©e du colonialisme et de lâimpĂ©rialisme europĂ©en habite nos musĂ©es. Notre approche des civilisations est-elle liĂ©e, voire soumise, au passĂ© colonial des anciens empires europĂ©ens ? Elle lâa Ă©tĂ©. Elle ne lâest plus. Mais elle ne lâa jamais Ă©tĂ© complĂštement. Sur le sol africain, la France a introduit les idĂ©es de la IIIe RĂ©publique sur la citoyennetĂ© considĂ©rant trĂšs tĂŽt le statut colonial comme devant ĂȘtre provisoire. Jâai lu sous la plume mĂȘme de Patrice Lumumba, premier ministre du Congo en 1960, assassinĂ© en 1961, sa surprise de dĂ©couvrir, Ă Brazzaville, respect et courtoisie de la part des Français. Si son tĂ©moignage nâefface ni les erreurs ni les atrocitĂ©s coloniales, il traduit les rapports complexes quâengendre la colonisation. Une civilisation peut-elle jamais faire lâĂ©conomie de Dieu, du temple, du rite et de la croyance ? JusquâĂ nos jours, on peut dire que ce ne fut pas le cas. On a vu sous lâemprise communiste des formes laĂŻcisĂ©es de pratiques. La Russie stalinienne, la CorĂ©e du Nord ont instaurĂ© au XXe siĂšcle des rites qui sâapparentent davantage Ă une rĂ©gression quâĂ un progrĂšs. Mais aujourdâhui, le mouvement semble sâinverser. A Moscou on a restaurĂ© les Ă©glises jadis dynamitĂ©es comme celle du Christ-Sauveur. Redonner sa place non pas Ă Dieu mais au tĂ©moignage de Dieu est accueilli en Russie comme un progrĂšs apaisant. De mĂȘme, on a rĂ©tabli Ă Berlin-Est nombre dâĂ©difices religieux dĂ©truits. En Espagne, Ă Cordoue, grĂące Ă sa phĂ©nomĂ©nale restauration, la cathĂ©drale-mosquĂ©e sâouvre simultanĂ©ment aux cultes catholique et musulman. La tolĂ©rance de lâEspagne moderne me paraĂźt le signe tangible dâune rĂ©appropriation par lâhistoire. Je ne minore pas les dĂ©lires fanatiques qui fleurissent dâEgypte Ă JĂ©rusalem, mais en restaurant des lieux on ouvre la fenĂȘtre », on sert une tolĂ©rance rĂ©ciproque. Dâailleurs, le revers dâErdogan Ă la mairie dâIstanbul met fin Ă son projet dĂ©ment de retransformer en mosquĂ©e la basilique Sainte-Sophie lâexact contraire de ce que souhaitait AtatĂŒrk en lâouvrant Ă toutes les confessions. La montĂ©e des populismes est-elle le signe dâun dĂ©clin ou le reflet de mutations quasi mĂ©caniques ? Câest une question de patience. Il faut laisser son temps Ă lâhistoire pour que les mouvements de sociĂ©tĂ© sâaffirment et il faut aussi la fermetĂ© intellectuelle et morale pour refuser lâirrecevable. Si la peur et la dĂ©valorisation de lâislam chez les populistes italiens ou français restent inacceptables, nous savons trĂšs bien les legs en manuscrits et en diffusion des savoirs que lâOccident et la chrĂ©tientĂ© doivent Ă lâexpansion arabe. Le nier tient du rĂ©visionnisme et de lâoffense. LâidĂ©e de choc des civilisations est-elle pour vous un leurre ou une rĂ©alitĂ© ? Le choc est toujours douloureux mais les capacitĂ©s des sociĂ©tĂ©s humaines Ă se comporter dans un mĂȘme Ă©lan sont, Ă mon avis, plus fortes. Ce nâest quâune question de temps. Au XVIe siĂšcle, la conquĂȘte du PĂ©rou sâest faite dans la violence et le sang. Mais comme une rĂ©ponse, deux siĂšcles plus tard, lâĂ©vangĂ©lisation du Guarani suivie de la crĂ©ation de la RĂ©publique du Paraguay devient un modĂšle de dĂ©veloppement. On pourrait Ă©galement Ă©voquer les invasions mongoles sur le sol russe des lieutenants de Gengis Khan. Or non seulement les Mongols se sont conduits avec tolĂ©rance, mais finalement ils ont abritĂ© et protĂ©gĂ© lâEglise orthodoxe russe. Ils ont Ă©galement poussĂ© Ă convertir les musulmans mongols Ă lâorthodoxie, dont les noms tĂ©moignent aujourdâhui. La poĂ©tesse Anna Akhmatova aimait rappeler quâelle descendait dâAkhmet Khan seigneur Akhmet, lâun des chefs de la Horde dâor. Ainsi la capacitĂ© des sociĂ©tĂ©s une fois dominĂ©es Ă assimiler les connaissances nouvelles et Ă se transformer est considĂ©rable. Les grands progrĂšs de lâastronomie que lâon constate en Asie centrale datent exactement de lâĂ©poque oĂč Gengis-Khan a envahi la rĂ©gion. Si les Mongols ont fait table rase des citĂ©s, ils ont bĂąti notamment des observatoires et diffusĂ© des connaissances qui leur venaient du Moyen-Orient. Lire aussi Collection Histoire & civilisations », cinq mille ans dâhumanitĂ© Ce phĂ©nomĂšne est dĂ©jĂ prĂ©sent dans lâAntiquitĂ© lors de la rencontre de la GrĂšce avec lâOrient qui produit la culture hellĂ©nistique. Elle sera Ă lâorigine de la diffusion de la pensĂ©e grecque mais aussi de son inflĂ©chissement. Enfin, tout rĂ©cemment, pouvait-on imaginer que le fĂ©minisme radical amĂ©ricain ferait naĂźtre un fĂ©minisme musulman dont jamais les Occidentaux nâauraient Ă©tĂ© capables de provoquer lâĂ©mergence ni en Afrique ni en Inde ? En 2002 vous Ă©criviez Jâai vu finir le monde ancien » et en 2018 vous publiez Le Temps des apocalypses » Grasset. Vivons-nous les derniers feux de la civilisation occidentale ? Incontestablement, la civilisation occidentale telle quâelle se dĂ©finissait sâachĂšve. On peut le vĂ©rifier notamment aux Etats-Unis oĂč la rĂ©alitĂ© de la sociĂ©tĂ© amĂ©ricaine et son dialogue permanent avec la Chine la confrontent, de maniĂšre plus radicale quâen Europe, Ă la fin de lâautre. Un monde nouveau a commencĂ© avec le 11-Septembre. Il nâest ni amĂ©ricain ni chinois mĂȘme sâil est les deux Ă la fois. Il sera Ă©galement europĂ©en si lâEurope se repense. Nous vivons le temps des apocalypses â Ă©tymologiquement, les rĂ©vĂ©lations â dâune AmĂ©rique mĂ©tissĂ©e, dâune Chine technologique. Nous observons la caducitĂ© dâune pertinence rĂ©volutionnaire qui a durĂ© deux siĂšcles. Cela passe par la dissolution du communisme. Les partis politiques homogĂšnes semblent devenus inutiles. Mais cela ne signifie pas que les masses soient incapables de se mobiliser pour de grandes causes ni quâelles puissent devenir porteuses dâidĂ©es de sociĂ©tĂ©. Nous sommes prĂ©cipitĂ©s par un mouvement messianique dans lequel une force nous dĂ©passe les apocalypses. Elles nous bombardent de rĂ©vĂ©lations et de transformations de notre conscience Ă un rythme effrĂ©nĂ©. Je nâen ai pas dâexplication. La relecture du passĂ© offre-t-elle le recul nĂ©cessaire sur le temps, la mondialisation et sa genĂšse ? Si nous considĂ©rons brutalement des sociĂ©tĂ©s Ă©mergentes, nous ne pouvons rien en saisir. Or plus nous comprenons le plus ancien et ce qui rĂ©siste le plus Ă lâanalyse et mieux nous approchons des Ă©lĂ©ments importants et formateurs. Les grandes migrations en cours de lâAmĂ©rique centrale vers les Etats-Unis, auxquelles Donald Trump sâoppose farouchement â mais finalement avec impuissance â dĂ©montrent pour le moins quâil existe une composante hispanique et indienne dâorigine mexicaine venant se fondre dans le melting-pot noir et blanc amĂ©ricain. Sây ajoutent des touches dâĂ©migration japonaise et chinoise que lâon ne considĂšre plus dĂ©sormais comme de simples visiteurs de passage. De mĂȘme, en supposant que lâEurope parvienne Ă absorber la masse de migrants venus essentiellement dâAfrique, il me paraĂźt Ă©vident que cette composante sâenracine. Les EuropĂ©ens vivent la migration comme une catastrophe et une menace alors quâelle est un levier de transformation. Si nous revenons aux origines de lâhumanitĂ©, le mĂȘme processus est Ă lâĆuvre. On a longtemps cru que lâHomo sapiens avait supplantĂ© et remplacĂ© lâhomme de Neandertal. Or, en observant lâĂ©volution du gĂ©nome humain, le biologiste suĂ©dois Svante PÀÀbo a dĂ©montrĂ© le mĂ©tissage de diffĂ©rentes espĂšces humaines que lâon ne croyait pas contemporaines. Lâhybridation des ADN participe du mĂȘme mouvement de lâhistoire que la migration des peuples et leur adaptation Ă lâenvironnement. Il en va de mĂȘme des sociĂ©tĂ©s le mĂ©lange des civilisations et des cultures est producteur de sens et de dĂ©veloppement. Jacques Le Goff Ă©crivait Il nây a pas de sens Ă lâhistoire mais lâhistoire donne un sens au prĂ©sent », je fais mienne son intuition, qui me paraĂźt si juste. Retrouvez plus dâinformations sur le site Christophe Averty
PubliĂ© le 27 dĂ©c. 2019 Ă 800Mis Ă jour le 7 janv. 2020 Ă 1213Ce sont quelques-unes des questions que nous Ă©tudions Ă la Chaire Futurs de lâindustrie et du travail de lâĂ©cole Mines ParisTech. Nous prĂ©sentons ici quelques rĂ©sultats, souvent provisoires, que dĂ©taillent de nombreuses aura-t-il encore du travail ?Certains rapports alarmistes Ă©voquent une fin du travail », un remplacement de lâouvrier par des robots et de lâemployĂ©, voire du cadre, par des logiciels. Dâautres prĂ©tendent que la numĂ©risation sera crĂ©atrice nette dâ que lâimpact de lâautomatisation sur lâemploi est la rĂ©sultante de 4 effets une substitution de capital au travail, de lâautomate Ă lâhomme il faut moins de temps humain pour produire le mĂȘme bien ou service ;une augmentation de la compĂ©titivitĂ© de lâentreprise, qui lâaide Ă conquĂ©rir des parts de marchĂ©s nous allons voir que cet effet compense souvent le premier ;des crĂ©ations dâemplois liĂ©s Ă la conception, la fabrication, lâinstallation, la formation des utilisateurs des logiciels et des robots ces emplois seront-ils chez nous ou ailleurs ?Les emplois induits par lâusage du temps ou du pouvoir dâachat libĂ©rĂ© va-t-on regarder une sĂ©rie amĂ©ricaine sur un tĂ©lĂ©viseur corĂ©en ou assister Ă un spectacle puis dĂźner au restaurant avec ses amis ?Le rĂ©sultat net de ses effets nâest pas Ă©vident Ă prĂ©dire. Empiriquement, on observe deux choses au niveau des entreprises, on a constatĂ© dans une majoritĂ© de cas que le gain de parts de marchĂ© faisait plus que compenser le gain de productivitĂ© en moyenne, les entreprises qui se modernisent embauchent et, si elles savent les former, elles gardent les salariĂ©s quâelles employaient dĂ©jĂ . En revanche, celles dont les technologies deviennent obsolĂštes nâarrivent pas Ă affronter la concurrence. Le choix serait donc entre former ou fermer. Pour les entreprises, former leurs salariĂ©s ou fermer leurs usines. Pour les salariĂ©s, se former pour maĂźtriser les nouvelles conditions de travail ou se fermer des possibilitĂ©s dâ niveau des pays, ceux qui investissent le plus dans les robots, comme la CorĂ©e du Sud ou lâAllemagne, sont ceux oĂč la valeur ajoutĂ©e industrielle se porte le mieux. Lâeffet sur lâemploi industriel est moins significatif, du fait des gains de productivitĂ©, mais la bonne compĂ©titivitĂ© des entreprises industrielles induit des emplois dans le reste de lâ ailleurs, de nouveaux produits et services apparaissent. Le smartphone nâexistait pas il y a 15 ans. On trouve aujourdâhui plus de 6 millions dâapplications sur les plates-formes dâApple ou de Google, dont le dĂ©veloppement a bien dĂ» occuper quelques peut donc renvoyer dos Ă dos ceux qui prĂ©disent une tendance gĂ©nĂ©rale Ă une forte rĂ©duction des emplois et ceux qui Ă©voquent le retour au plein emploi qui a suivi toutes les rĂ©volutions industrielles. On nâa pas de preuve robuste quâil y aura beaucoup moins de travail. Mais par ailleurs rien ne prouve quâil ne faudra pas gĂ©rer des transitions douloureuses, quâil ne faudra pas accompagner des personnes ou des secteurs entiers, dĂ©stabilisĂ©s par lâĂ©volution des chaĂźnes mondiales de valeur ajoutĂ©e et par la disparition de certaines qui en revanche est certain, câest que le travail quotidien dâune majoritĂ© de gens sera substantiellement travail sera-t-il plus qualifiĂ© ?Dans lâensemble, oui, mais avec des contrastes selon les les services, on observe une polarisation des emplois et des qualifications, avec lâapparition dâune part de beaucoup dâemplois ne demandant pas beaucoup de formation prĂ©alable, comme dans lâhĂŽtellerie-restauration, le nettoyage, ou certains services Ă la personne ce qui nâempĂȘchent pas ces emplois de demander des savoir-ĂȘtre et des qualitĂ©s humaines essentielles, dâautre part de certains emplois trĂšs qualifiĂ©s demandant une formation poussĂ©e et poursuivie tout a long de la lâindustrie, on constate plutĂŽt une Ă©lĂ©vation gĂ©nĂ©rale des pour presque tous, les compĂ©tences numĂ©riques exigĂ©es augmentent, celles-ci sâavĂšrent plus faciles Ă acquĂ©rir que beaucoup de ne le redoutent, avec des interfaces homme-machine plus conviviales qui ne sait aujourdâhui utiliser les fonctions de base dâun smartphone ?. En revanche, certaines compĂ©tences liĂ©es au mĂ©tier peuvent se perdre, au fur et Ă mesure quâelles sont incorporĂ©es aux machines et aux est beaucoup plus facile dâapprendre Ă un bon soudeur Ă maĂźtriser des assistants numĂ©riques que dâapprendre Ă souder Ă quelquâun qui est Ă lâaise avec des prothĂšses numĂ©riques. Or il reste important pour un opĂ©rateur qui surveille un Ăźlot de fabrication oĂč des piĂšces sont soudĂ©es de comprendre cette opĂ©ration et si possible de savoir la plus autonome au travail ?On observe une aspiration et une capacitĂ© croissantes des salariĂ©s Ă lâautonomie. Certaines entreprises instaurent une plus grande subsidiaritĂ© pour y rĂ©pondre et bĂ©nĂ©ficient en contrepartie de salariĂ©s plus engagĂ©s et dâune plus grande agilitĂ© grĂące Ă lâintelligence collective quâelles stimulent. Mais globalement, la France est dangereusement Ă la traĂźne, lâautonomie, dĂ©jĂ plus faible que chez nos voisins, tend Ă les retours dâexpĂ©rience des entreprises ayant intĂ©grĂ©es avec succĂšs des technologies de lâentreprise du futur montrent quâelles ont en gĂ©nĂ©ral fortement accru les responsabilitĂ©s confiĂ©es Ă chaque salariĂ© et le pouvoir de dĂ©cision et dâaction de travail sera-t-il moins pĂ©nible ?La pĂ©nibilitĂ© physique du travail diminue grĂące Ă lâamĂ©lioration de lâergonomie des postes, aux robots, cobots ou exosquelettes. Le risque dâennui diminue aussi Ă mesure que le salariĂ© prend en charge des tĂąches plus complexes et moins revanche, la charge cognitive et psychologique augmente souvent. Par ailleurs, la contrepartie dâhoraires plus souples et de possibilitĂ©s de tĂ©lĂ©travail est une dĂ©connexion plus travail sera-t-il moins "viril" ?Les environnements de travail de lâentreprise du futur sont plus complexes, le rĂŽle des opĂ©rateurs prĂ©sents consiste plus Ă gĂ©rer des imprĂ©vus difficiles Ă anticiper, des perturbations qui volent parfois en escadrille, et surtout des problĂšmes dâinterface avec dâautres tĂąches ou fonctions. Deux qualitĂ©s deviennent essentielles pour la performance la capacitĂ© Ă jouer collectif, Ă amĂ©liorer la contribution de chacun plutĂŽt quâĂ viser lâexploit individuel, Ă prendre soin de ceux qui peinent. Cela suppose des capacitĂ©s dâempathie et dâĂ©coute ;savoir gĂ©rer efficacement les prioritĂ©s lorsque rien ne se passe comme prĂ©vu et que diverses perturbations apparaissent par exemple privilĂ©gier la sĂ©curitĂ© des personnels.Une occasion de dĂ©velopper ces qualitĂ©s dâempathie et de gestion efficace des incidents est de participer activement aux tĂąches familiales consistant notamment Ă prendre soin des autres enfants ou parents.Aujourdâhui, dans les pays Ă culture rĂ©trograde oĂč les femmes prennent la plus grande part aux taches familiales consistant Ă prendre soin des autres, elles dĂ©veloppent mieux que les hommes â statistiquement â ces aptitudes dâempathie et de gestion des interruptions et imprĂ©vus de plus en plus importantes dans le travail en peut donc en conclure quâau sein de nos usines, le robot peut remplacer lâhomme, mais pas la femme et quâil en est de mĂȘme pour lâintelligence artificielle dans les notre systĂšme dâĂ©ducation de dĂ©velopper chez tous leurs Ă©lĂšves, garçons ou filles, des capacitĂ©s dâempathie, dâintelligence collective, de gestion des prioritĂ©s, et dâencourager les femmes Ă sâorienter vers des mĂ©tiers quâon considĂ©rait naguĂšre plus un design du travailLa conception des produits intĂšgre de mieux en mieux lâexpĂ©rience de leurs pensons que la conception des processus de production doit intĂ©grer mieux lâexpĂ©rience des producteurs. Il faut utiliser les mĂ©thodologies les plus perfectionnĂ©es du design pour associer les opĂ©rateurs Ă la conception de lâorganisation du travail. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, les bureaux dâĂ©tude qui conçoivent de nouvelles offres de produits ou de service doivent prĂȘter attention Ă la fois Ă ceux qui les utiliseront et Ă ceux qui les produiront et les faire participer Ă leurs du travailAujourdâhui, beaucoup dâentreprises ne trouvent pas les compĂ©tences dont elles ont besoin, tandis que de nombreux actifs cherchent en vain des entreprises oĂč ils aimeraient travailler. Des savoir-faire disparaissent, des territoires sâĂ©tiolent, la cohĂ©sion et la prospĂ©ritĂ© de notre sociĂ©tĂ© sont menacĂ©es. Lâorganisation du travail et notre systĂšme de formation doivent impĂ©rativement sâadapter aux enjeux de la transformation numĂ©rique, de la mondialisation des chaĂźnes de valeur, de la prĂ©servation de lâenvironnement et des Ă©volutions situation est particuliĂšrement prĂ©occupante en France et notamment dans lâindustrie. DĂšs que la conjoncture est bonne, les usines tournent Ă plein rĂ©gime, les capacitĂ©s de production sont saturĂ©es. Câest pourquoi, malgrĂ© une compĂ©titivitĂ© qui sâamĂ©liore, notre balance commerciale reste dĂ©ficitaire, notre pays produit moins de richesses quâil nâen consomme. Câest notamment parce que trop de jeunes se dĂ©tournent dâemplois dont eux-mĂȘmes ou leur entourage ont une image nĂ©gative ou nâont pas envie dâacquĂ©rir les compĂ©tences qui permettent dâoccuper ces cohĂ©sion et la prospĂ©ritĂ© de notre pays dĂ©pendront de la capacitĂ© de nos entreprises Ă rendre le travail attractif et porteur de sens, Ă rĂ©pondre aux aspirations de leurs employĂ©s, notamment sur lâimpact positif de leur action pour la sociĂ©tĂ© et lâenvironnement, et de la capacitĂ© de chacun Ă dĂ©velopper les aptitudes requises et Ă sâ Weil, Chaire Futurs de l'industrie et du travail CERNA, I3, CNRS, Membre de lâAcadĂ©mie des technologies, Mines ParisTechCet article est republiĂ© Ă partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire lâarticle Weil, Chaire Futurs de l'industrie et du travail, Membre de lâAcadĂ©mie des technologies, Mines ParisTech
ccueil>SociĂ©tĂ© Jâai connu Alexandre Adler du temps oĂč il Ă©tait membre du PCF et oĂč nous intellectuels Ă©tions frĂ©quemment appelĂ©s Ă nous rencontrer Ă la Nouvelle critique il mâarrive de relire certains numĂ©ros et je suis stupĂ©faite de la richesse culturelle des contributions, RĂ©volutio, dont jâĂ©tais rĂ©dactrice en chef-adjointe. Cela donnait souvent lieu Ă des joutes et Alexandre avec son brio, son goĂ»t du paradoxe Ă©tait toujours celui qui surprenait pour le meilleur et le pire. Il est allĂ© vers dâautres rivages, mais il est aussi selon moi restĂ© âun stalinienâ lĂ aussi pour le pire et pas toujours pour le meilleur. Comme ici dans cet Ă©tonnant rapprochement entre la France de la deuxiĂšme guerre mondiale oĂč il y aurait eu des âbraves gensâ agissant de maniĂšre spontanĂ©e, bref! selon lui il y aurait eu un gĂ©nĂ©ral de Gaulle mais pas de PCF, dont il ne dit pas mot, pas plus que du programme du CNR et la maniĂšre dont il redresse la France, crĂ©e les trente glorieuses. Bref tout ça dĂ©pend des âbravesâ types. Ce qui lui permet par une pirouette dont il a le secret de faire les louanges de Macron qui ne se dĂ©brouille pas si mal⊠Le paradoxe chez Adler a souvent pour fonction de masquer les lacunes du raisonnement, de permettre dâaudacieuses analogies mal fondĂ©es. Mais pour rester sur lâobjet -titre de son interview, jâavais Ă©galement suivi ses commentaires sur le rapport de la CIA et je confirme son propos. Des prĂ©monitions de la CIA Ă leur mise en Ćuvre sous Trump, il nây a quâun pas que je ne franchirai pas faute de preuves. On sait en effet que le terme corona est un terme gĂ©nĂ©rique pour un type de virus mais vu les preuves que nos mĂ©dias apportent sur la Chine, celle de lâinscription dans un rapport de la CIA pĂšse dâun poids nettement plus lourd note de Danielle Bleitrach pour histoire et sociĂ©tĂ©. Public SĂ©nat vous propose le regard, lâanalyse, la mise en perspective de grands experts sur une crise dĂ©jĂ entrĂ©e dans lâHistoire. Aujourdâhui, le regard de⊠Alexandre Adler, journaliste, historien, spĂ©cialiste des questions de gĂ©opolitique. LE 24 MAR 2020 Par Rebecca Fitoussi 5mn En 2005, Alexandre Adler prĂ©façait pour les Ă©ditions Robert Laffont Le nouveau rapport de la CIA â Comment sera le monde demain », rĂ©sultat de deux ans de travail de plusieurs dizaines dâexperts Ă©valuant la situation de la planĂšte sur les quinze annĂ©es Ă venir 2005-2020. Cette crise du Covid-19, les experts lâavaient prĂ©dite avec une prĂ©cision saisissante. Alexandre Adler revient sur ce rapport et se projette dans lâaprĂšs-crise. Selon lui, cette Ă©pidĂ©mie sera un tournant pour lâavenir du monde et annonce de profondes transformations. Pourriez-vous dâabord nous recontextualiser la publication de ce rapport qui annonçait une Ă©pidĂ©mie mondiale et la façon dont vous avez Ă©tĂ© amenĂ© Ă le commenter ? Oui, je dois quelques explications Ă nos lecteurs sur ce rapport de la CIA qui me donne un peu le statut de prophĂšte. [rires] Je rappelle dâabord que les rapports de la CIA Ă©taient rĂ©guliers, ils avaient lâhabitude dây Ă©voquer la situation gĂ©opolitique avec des questions comme La Russie va-t-elle rester dans une semi-dĂ©mocratie ou va-t-elle connaĂźtre un Ă©pisode autoritaire ? Ou dâautres questions comme la Chine reprĂ©sente-t-elle une menace ?». Des questions pour lesquelles jâavais une certaine compĂ©tence. Les Ă©ditions Robert Laffont me demandaient alors dâĂ©crire des introductions oĂč je prenais position sur ce que racontait la CIA. Cela intĂ©ressait beaucoup de monde, câĂ©tait une idĂ©e trĂšs intelligente de la CIA. Au lieu dâenvoyer ce genre de rapport Ă quelques personnalitĂ©s triĂ©es sur le volet, lâidĂ©e Ă©tait de sâadresser Ă lâopinion publique et de la prendre Ă tĂ©moin, de se mettre au service du public. Que prĂ©disait ce rapport ? Quel Ă©tait le scenario ? Je lâavais moi-mĂȘme oubliĂ©, mais le terme corona » apparaĂźt dans ce texte Ă©crit dĂšs 2005. Corona » est un terme codĂ© qui Ă©tait utilisĂ© par les Ă©pidĂ©miologistes en AmĂ©rique pour nommer ce quâils considĂ©raient comme la pandĂ©mie ultime. De pandĂ©mie en pandĂ©mie, nous allions avoir une pandĂ©mie qui allait vĂ©ritablement sâĂ©tendre Ă la Terre entiĂšre. Pourquoi ? Et bien parce que la mondialisation avait atteint un stade trĂšs avancĂ©. La CIA mettait en garde, et jâĂ©tais plutĂŽt dâaccord. JâĂ©tais assez critique, non pas de la mondialisation que je considĂ©rais comme un phĂ©nomĂšne inĂ©vitable et qui comporte de nombreux Ă©lĂ©ments trĂšs positifs, mais elle avait aussi des Ă©lĂ©ments nĂ©gatifs. Par exemple, et câĂ©tait ce Ă quoi la CIA Ă©tait dĂ©jĂ sensible, le fait que les Etats-Unis, pour des raisons de coĂ»ts de court terme, sâĂ©taient complĂštement mis Ă la disposition de la Chine qui fabriquait pratiquement tous les produits pharmaceutiques dont lâAmĂ©rique avait besoin. Le pays avait quasiment tirĂ© un trait sur son industrie pharmaceutique, quâil faisait faire Ă lâĂ©tranger. La CIA disait dans ce rapport que ce nâĂ©tait pas trĂšs sage. Dans mes commentaires Ă lâĂ©poque, jâabondais dans ce sens parce que je savais que la France avait la tentation de le faire aussi. Elle lâa dâailleurs fait malheureusement. Il fallait maintenir un certain nombre de productions stratĂ©giques et de stocks nĂ©cessaires sur place. Dans ce rapport, les prĂ©cisions sur le virus, sur son mode de propagation, sont saisissantes⊠apparition dâune nouvelle maladie respiratoire humaine virulente, extrĂȘmement contagieuse », voyageurs prĂ©sentant peu ou pas de symptĂŽmes » qui pourraient transporter le virus sur les autres continents ». Comment cela a-t-il Ă©tĂ© possible ? Parce que câĂ©tait dĂ©jĂ arrivĂ©. Cela nous ramĂšne aux livres de Tom Clancy qui lui aussi Ă©crivait Ă partir de lâexpertise de la CIA. Il racontait de maniĂšre effrayante une Ă©pidĂ©mie dâEbola. Et effectivement, Ă lâĂ©poque, Ebola nâĂ©tait pas du tout maĂźtrisĂ©. Entre temps, les Instituts Pasteur et leurs Ă©quivalents ont trouvĂ© le vaccin pour Ebola, ce qui est presque un miracle. Nous nâavons plus dâEbola, mais nous avons cette maladie qui est Ă la fois effrayante parce que nous nâavons pas encore trouvĂ© le vaccin mais beaucoup moins dangereuse du point de vue de la mortalitĂ©. Au moment de la sortie de ce rapport, quelles ont Ă©tĂ© les rĂ©actions internationales ? A-t-il Ă©tĂ© pris au sĂ©rieux par les autoritĂ©s des diffĂ©rents pays ? Il nây a eu aucune rĂ©action ! Aucune ! Parce que câĂ©tait un rapport parmi dâautres. Et certainement pas en France. On nâa rien fait de particulier et câest vrai de tous les pays europĂ©ens. CâĂ©tait chacun pour soi et tout le monde Ă©tait tout Ă fait insouciant. Il y avait un sentiment, comme toujours quand on avance, oĂč on pense que cela nâarrive quâaux autres. Dans ce rapport, la suite envisagĂ©e fait froid dans le dos. Il Ă©voque de nouveaux cas de coronavirus qui apparaitraient par vague, trĂšs rĂ©guliĂšrement et qui finiraient par tuer des millions de personnes⊠Quel crĂ©dit peut-on accorder Ă cette thĂ©orie ? Je pense que la CIA a voulu provoquer un choc Ă©motionnel Ă ses lecteurs. Leur disant, si vous ne faites rien, ces drames viendront et ne viendront pas une fois mais Ă plusieurs reprises. Câest parfaitement possible, sauf que maintenant que nous avons connu cette pĂ©riode de pandĂ©mie mondiale avec la premiĂšre conjoncture mondiale qui affecte la totalitĂ© de la Terre, cela peut changer la donne. Câest quand mĂȘme renversant de penser que nous sommes tous, au mĂȘme moment, au mĂȘme endroit, arrĂȘtĂ©s. Et lĂ je pense aux mots de mon maĂźtre Louis Althusser ndlr philosophe qui avait lu cela chez Hegel, le philosophe allemand lâhumanitĂ© avance toujours, mais toujours par sa nĂ©gativitĂ©. » Câest-Ă -dire que câest toujours par un phĂ©nomĂšne nĂ©gatif que des phĂ©nomĂšnes par ailleurs massivement positifs arrivent, comme le fait que lâhumanitĂ© est Une et que maintenant nous sommes tous dans le mĂȘme bateau. Et bien pour y arriver, nous sommes passĂ©s par cette pandĂ©mie. Comment trouvez-vous lâorganisation du monde face Ă cette crise ? De nombreux Etats ont fermĂ© leurs frontiĂšres⊠Les Ă©conomies se referment sur elles-mĂȘmes⊠Lâheure est-elle au repli ? Cette crise sonne-t-elle le glas de la mondialisation ? Pas du tout ! Les gens voient Ă quel point le repli, indispensable en ce moment pour prĂ©venir lâĂ©pidĂ©mie, est grave pour les sociĂ©tĂ©s et pour les Ă©conomies. Les gens sont certes prĂ©servĂ©s des pires flĂ©aux, mais ils sont pauvres ! Ils sont appauvris comme nous le sommes aujourdâhui dans toute lâĂ©conomie française par ces mesures de containment » ndlr endiguement qui sont nĂ©cessaires. Toutes les entreprises qui font faillite ou toutes celles qui ont des dettes Ă©pouvantables, le voient bien aujourdâhui. Donc on comprend comment le protectionnisme, les circuits courts, etc⊠Ce sont surtout les cerveaux courts, les circuits courts ! Toute la classe politique française, jusquâau plus haut niveau de lâEtat, nous annonce un AprĂšs⊠DiffĂ©rent sur le plan idĂ©ologique, Ă©conomique, social⊠Vous croyez Ă une rĂ©volution ? Un tournant ? Cela vous semble-t-il possible ? Oui je le crois. Nous sommes sur une pente ascendante. Je le sens. Pendant la guerre, on a vu tant de Français et de braves gens qui sans mot dâordre dâorganisations de rĂ©sistance, encore Ă peine dĂ©veloppĂ©es, ont eu les bons gestes. Cacher des juifs, cacher des rĂ©sistants, cacher le ravitaillement que les Allemands pillaient de façon Ă©hontĂ©e⊠Tout cela, ce sont des gestes de survie de la sociĂ©tĂ© qui ont fait une autre sociĂ©tĂ© en 1945. Nous avons eu une sociĂ©tĂ© beaucoup plus fraternelle et beaucoup plus courageuse dans laquelle des gens jeunes ont remplacĂ© des gens trop ĂągĂ©s et qui ont insufflĂ© ce quâon a appelĂ© Les Trente Glorieuses ». Ce genre de phĂ©nomĂšne, nous lâavons dĂ©jĂ connu. Et dramatiquement, puisquâil sâagissait lĂ dâune tragĂ©die sans prĂ©cĂ©dent. Vous imaginez le choc quâa Ă©tĂ© 1940, pour une France qui se pensait encore comme une grande puissance mondiale. Et du jour au lendemain, cette chute ! Puis cette remontĂ©e avec le GĂ©nĂ©ral de Gaulle. Il nây a pas de De Gaulle en France aujourdâhui mĂȘme si je trouve que notre PrĂ©sident Macron se dĂ©brouille avec beaucoup de courage et beaucoup de sang-froid dans une situation trĂšs difficile. Et dâailleurs les sondages le prouvent. Les Français se disent heureusement quâil est lĂ quand mĂȘme ! ». Un certain nombre de querelles sont en train de sâĂ©teindre et elles ne reviendront plus. Cette pĂ©riode de profonde amertume que vous voyez Ă travers le monde est en train dâĂȘtre dĂ©passĂ©e. Quelles pourraient ĂȘtre les consĂ©quences de cette crise mondiale sur le plan politique et gĂ©opolitique ? Imaginez-vous une montĂ©e en puissance de leaders populistes ? DâEtats totalitaires ? Vers qui, vers quoi les peuples auront-ils envie de se tourner ? Ils vont se tourner vers des hommes politiques rationnels qui nâont pas racontĂ© nâimporte quoi, qui nâont pas sombrĂ© dans lâhystĂ©rie, qui ne sont pas roulĂ©s par terre devant le public. Ils vont se tourner vers des hommes politiques, qui tout en Ă©tant des gens raisonnables, sont aussi des gens qui savent faire preuve dâautoritĂ©. LâautoritĂ©, ce nâest pas la dictature et câest exactement ce quâon souhaite aujourdâhui. On a bien vu aux Etats-Unis comment Franklin Roosevelt â dont les rĂ©actions nâĂ©taient pas toutes trĂšs bonnes et qui nâĂ©tait pas un homme exemplaire â a maintenu les Etats-Unis dans une dĂ©mocratie oĂč les Ă©lections se sont tenues, oĂč la libertĂ© dâexpression nâĂ©tait pas Ă©touffĂ©e alors quâil a menĂ© la guerre la plus importante de toute lâhistoire amĂ©ricaine et quâil lâa gagnĂ©e. Cet exemple qui est aussi celui de Winston Churchill en Grande-Bretagne, câest la preuve que les dĂ©mocraties sont capables dans des circonstances exceptionnelles de faire les sacrifices et de manifester une certaine forme dâautoritĂ© sans sacrifier les libertĂ©s fondamentales. Nous sommes dans un monde pluraliste, un monde qui nâest pas encore unifiĂ© par une dĂ©mocratie unique et gĂ©nĂ©ralisĂ©e, mais qui va dans le bon sens, câest Ă©vident ! Vous ne voyez pas dans cette crise du Covd-19 un risque de dĂ©stabilisation gĂ©opolitique et celui dâune multiplication de conflits armĂ©s ? Non, au contraire, je vois lâinverse. Je vois par exemple que devant la difficultĂ© que traverse le Moyen-Orient, nous avons une coopĂ©ration, Ă©videmment forcĂ©e et Ă©videmment grommeleuse, mais qui naĂźt aujourdâhui les IsraĂ©liens et les Palestiniens par exemple, parce quâils sont exactement dans le mĂȘme bateau, que la maladie est la mĂȘme. Il y a autant dâIsraĂ©liens qui voyagent aux Etats-Unis ou en Inde ou ailleurs quâil y a de Palestiniens qui sont en contact avec des Libanais, et avec des Syriens ou des Iraniens, mais le rĂ©sultat est le mĂȘme, la maladie est dans tout IsraĂ«l, et IsraĂ«l est dans le confinement comme tout le monde, et ils sont en train de trouver une voie dâunion nationale et un compromis. A la lueur de ce que vous savez, de ce que vous observez, et pour terminer cette interview comme on lâa commencĂ©e, câest-Ă -dire sur de la prospective comment imaginez-vous le monde en 2040 ? Je pense que dâici 2040, nous allons vers des transformations Ă©normes. Hitler qui Ă©tait trĂšs superstitieux croyait au Reich de mille ans, parce quâun certain nombre de voyants lui avaient dit quâaprĂšs cette grande Ă©preuve quâest la guerre, il mĂšnerait un monde millĂ©naire et ce serait la grande Ă©poque de lâAllemagne. En fait lâAllemagne a explosĂ© Ă la suite de ses folies et nous nâavons pas eu ce monde millĂ©naire. Mais en mĂȘme temps, ce qui est vrai, câest quâau lendemain de ces Ă©preuves terribles auxquelles nous sommes confrontĂ©es, se prĂ©parait quelque chose dâautre. Et ce quelque chose dâautre » est lĂ maintenant. Nous sommes dans un monde qui va se libĂ©rer des hydrocarbures, qui va trouver des moyens de produire beaucoup plus proprement, qui a compris que la nature ne nous appartient pas⊠Bref ! Nous sommes dans un monde qui est en train de prendre connaissance dâun certain nombre de nos folies et notre grande folie, on la connaĂźt depuis toujours, câest la folie PromĂ©thĂ©enne celle qui a donnĂ© le feu aux Hommes, câest bien ! MĂȘme de nous donner lâatome, câĂ©tait pas mal ! Mais avec des dangers trĂšs grands ! Ces dangers, nous en sommes enfin conscients, câest cela qui se passe Ă lâĂ©chelle mondiale. PubliĂ© le 24/03/2020 Ă 0912 â Mis Ă jour le 24/03/2020 Ă 0912CrĂ©dits photo principale JEAN-PIERRE MULLER / AFPPartager
alexandre adler comment sera le monde de demain